Le droit à la fiction !

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A l'heure où une nouvelle polémique déchaîne les critiques littéraires, je m'interroge sur le changement de statut du roman. Depuis quand, le roman est devenu le lieu de la vérité historique ? (si celle-ci existe réellement). Pourquoi l'écrivain n'a-t-il plus le droit de réinventer le monde ?

Ce qui me surprend, c'est que le cinéma ne souffre pas de cette critique. Pourtant, lui aussi recrée l'Histoire...
Julien

Tu dois sans doute parler de la polémique qui fait rage autour de la figure de Jan Karski entre Claude Lanzmann et Yannick Haenel. Je ne peux que me ranger de ton côté. Une réalité historique, même dure, comme l'est encore la Shoah, ne doit pas étouffer la valeur de fiction du roman. Il me semble que cette tendance nous pousse vers une simplification des perceptions qui confond choses dites (et en l'occurence choses écrites), choses pensées, et choses "réelles".
Le plus amusant dans cette affaire est surtout que Lanzmann fait de la figure de ce résistant polonais son produit exclusif. En se positionnant en "défenseur de la vérité" (toute personnelle, basée sur des témoignages, et donc, plus que sujette à caution) quant à cet homme, il le transforme en "son personnage", en décidant de lui donner une seule représentation véritable : celle qu'il en donne dans son film Shoah... A mon avis, celui qui transforme Jan Karski en personnage romanesque n'est pas l'accusé, mais celui qui tente d'en dresser le procès.

Au delà de ce débat propre, j'ajouterais un bémol à ma position, à savoir que le roman a tout à fait le droit de recréer l'histoire, de la réécrire, à partir du moment où il ne s'en sert pas pour réaliser une imposture intellectuelle. Quant à ce que l'on peut qualifier d'imposture intellectuelle, j'attends vos réactions pour m'aider à fixer une limite.
Julien

Pour en savoir plus : [lien].

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En toute honn?tet?, je ne pense pas qu'il faille brimer l'impulsion cr?atrice au nom d'une "v?rit?" historique. A partir du moment o? l'on est dans la fiction, et que l'ouvrage est pr?sent? comme tel, l'auteur a le droit de pr?senter l'histoire qu'il veut, qu'elle soit conforme ou non ? la v?rit? historique r?elle. Je pense m?me qu'une imposture intellectuelle, si elle ne choque pas dans d'autres m?dias comme la t?l?vision (cf. le canular d'Orson Welles ou plus r?cemment la fausse annonce de l'ind?pendance de la Flandre sur RTBF) , choque plus lorsqu'il s'agit de litt?rature. L'?crit restant plus longtemps que les images ou le son (opposons les livres ? la radio ou ? la t?l?vision par exemple), il est plus facilement investi d'un r?le de transmission de la v?rit?. Je pense que c'est dans cette valeur de v?rit? de l'?crit que le d?bat doit se poser. L'?crit a-t-il le droit d'?tre mensonger ? Je pense que oui. Sinon, on se dirige vers une pens?e unique.
Cela me fait penser ? l'entrevue accord?e par Bernard Henri-L?vy ? l'?mission "On ne peut pas plaire ? tout le monde". Les chroniqueurs lui reprochaient de ne pas s'?tre document? sur la v?racit? d'un texte qu'il commente et qui en fait est une "blague" [lien] d'un journaliste du "Canard encha?n?", qui publie sous le nom de Botul, un personnage invent? de n?okantien all? pr?cher chez les Paraguayens. Au del? de la mini-pol?mique, on voit l? qu'il n'est actuellement pas permis de s'attacher ? un ?crit qui pr?sente une "imposture intellectuelle", alors qu'? mon sens, seul la r?flexion qui en d?coule importe.

Pour revenir ? tes propos, Julien, l'affaire Jan Karski rel?ve, ? mon sens, d'une probl?matique financi?re, Haenel ayant en quelque sorte "vol? la vedette" ? Lanzmann en utilisant pour son livre la figure d'un des t?moins pr?sent dans Shoah quelques mois avant la diffusion d'un documentaire in?dit r?alis? par Lanzmann. Comme il est dit dans une des r?actions ? l'article de "Livres Hebdo" (dont Julien nous a fourni le lien), Lanzmann a fait lui-m?me de la fiction en proposant sa propre subjectivit? lorsqu'il a r?alis? Shoah (choix des t?moignages, montage du documentaire, etc.). Je pense qu'on peut dire qu'hormis le travail de l'historien, qui se fait des ann?es apr?s l'?v?nement trait?, et qui essaie de s'astreindre ? se limiter ? l'unique examen des faits, tout autre travail rel?ve d'une subjectivit?, que ce soit conscient ou non.
Alors dans ce cas, qui est dans le vrai, et qui est dans le faux ? Lanzmann peut-il se pr?valoir d'une l?gitimit? plus grande qu'Haenel en arguant qu'il est all? sur le terrain et a rencontr? Jan Karksi ? Ou ? l'inverse, ont-ils tous deux la m?me l?gitimit? ? Je penche pour la deuxi?me hypoth?se, car je ne vois pas pourquoi on devrait brimer une cr?ation sous pr?texte qu'elle n'est pas conforme ? cent pour cent ? la r?alit?.
Qu'en pensez-vous ?

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