La postérité du Soleil, Albert camus

 

La Postérité du Soleil

Albert Camus

Photographies de Henriette Grindat

Itinéraire par René Char

  

  

 

« La postérité du soleil naquit de la rencontre d'une jeune photographe, Henriette Grindat, du plaisir que Camus prenait de plus en plus à parcourir ce pays, et de mon désir, quand je vis les premières photographies d'Henriette Grindat, d'obtenir des images, des portraits, des paysages du Vaucluse qui différeraient des photographies cartes-postales ou des documents de pure recherche que leur maniérisme involontaire exile aussitôt. », René Char, postface, « Naissance et jour levant d'une amitié », 1965.

 

 

 

 

 

Franck Planeille, éditeur chez Gallimard, nous a offert en 2010 une nouvelle édition d'une œuvre confidentielle, d'une œuvre posthume, d'une œuvre née d'une rencontre, d'une amitié, d'un paysage.

 

Après avoir édité, la Correspondance de René Char et d'Albert Camus, Franck Planeille et Gallimard nous propose de redécouvrir ou de découvrir un livre qui est l'aboutissement d'un chemin d'amitié de deux hommes de lettres en terre vauclusienne.

Une amitié née dans l'après guerre, autour un livre, Les feuillets d'hypnos, que Camus a souhaité publier dans sa collection « Espoir », déjà chez Gallimard. Nous sommes en 1946, Camus écrit à Char pour convaincre ce dernier de lui confier son manuscrit. Il part à la rencontre du poète de l'Isle-sur-Sorgue, dans le Vaucluse, un pays qu'ils partageront à partir de l'automne 1946, un pays qu'ils aimeront et qui est à l'origine de La postérité du soleil. En 1950, une photographe s'invite dans ce pays, Henriette Grindat.Cette suissesse, admiratrice de René Char contacte le poète qui prend plaisir à lui faire découvrir son trésor, le lieu qui a inspiré son oeuvre. Les photographies enchantent René Char qui y voit le reflet de sa poésie, en montrant ce qui est « invisible à autrui ». L'oeil de la photographe a touché la sensibilité de l'amoureux du paysage qui dit « le passé voilé et le présent où affleure une turbulence que survole et féconde une flèche hardie. »

Char confie les photographies à son ami Camus « dans le dessein de faire un livre ensemble ». Nous sommes en 1951 et Albert Camus est accaparé par la rédaction de L'Homme Révolté, il met les images de côté et ne les reprendra qu'une fois son essai achevé. Elles apparaîtront alors comme une bouée de sauvetage dans le tumulte qui suivra la parution de L'Homme Révolté, les polémiques et les violentes attaques de son désormais ancien ami, Sartre.

 

"Après le vent, la terre tranquille"

 

L'écriture de La postérité du soleil est en totale rupture avec l'objet de la polémique. L'aphorisme, l'image, l'hommage à un pays, à « SON » pays, celui qu'il a choisi, voilà comment Camus s'est détaché de son œuvre « politique », « philosophique », pour revenir à une oeuvre poétique et humaniste. Une œuvre concert qui comme le rappelle Franck Planeille fait écho aux paroles de René Char :

 

« Le paysage, comme l'amitié, est notre rivière souterraine. Paysage sans pays. »

 

Nous sommes en 1952 et l'œuvre collective voulue par Char est née, il signe le poème introducteur, « De moment en moment », mais le livre ne trouve pas d'éditeur. Il faudra attendre 1965, la mort accidentelle de Camus en 1960, la volonté de Char et l'acharnement d'Edwin Engelberts pour voir paraître une édition bibliophilique, au tirage limité à cent vingt exemplaires. René Char rédige alors une postface, « Naissance et jour levant d'une amitié » qui résonne comme un hommage à son ami disparu.

 

En 2010, « ce livre de passion pour une terre commune n'est plus muet. Il parle pour tous ceux qui savent et qui sentent que l'amitié, comme le paysage, « est notre rivière souterraine » qui peut traverser les lourdes chaînes des montagnes de l'oubli et de la mort. », Franck Planeille.

 

« Le pire, le seul malheur, est l'ennui, quand tout le ciel est dans les flaques. », page 50 de La postérité du soleil.

 

 

 Après l'Homme révolté, Camus nous offre des aphorismes inspirés par le regard d'une photographe sur un pays qu'il a fait sien. Des aphorismes qui replacent l'homme au coeur du monde, dans une nature sauvage, vivante, résistante. La poésie pour dire le monde.Parce qu'il est un objet d'art, de poésie, d'amitié et d'humanisme, ce livre est à voir, à lire, à sentir, à vivre... Parce ce que cet ouvrage est souvent absent des biographies, bibliographies consacrées à Camus, qu'il a été rédigé dans un moment de douleur, de violence, La Postérité du Soleil mérite d'être ouvert.

 

 "Voici le proche lit de l'amour. La place est déjà chaude. On les entend rire, au loin."

Laetitia



03/04/2011
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