Art, de Yasmina Reza
"Mon ami Serge a acheté un tableau. C'est une toile d'environ un mètre soixante sur un mètre vingt, peinte en blanc. Le fond est blanc et si on cligne des yeux, on peut apercevoir de fins liserés blancs transversaux."
C'est par cette phrase que débute la pièce. Marc, seul, se demande pourquoi Serge, un très bon ami, a acheté ce tableau blanc. Il ne comprend pas l'attrait de ce dernier pour cette peinture. De cette imcompréhension va naître un sentiment d'éloignement entre ces deux hommes, pourtant si proches. Yvan, un ami commun, définit par Marc comme "un être hybride et flasque" parce que toujours d'accord, va alors tenter de rapprocher à nouveau les deux hommes et sauver ainsi leur amitié.
Au-delà d'une réflexion sur ce qu'est l'art, cette pièce est avant tout une réflexion sur l'amitié entre hommes. En effet, les trois protagonistes, amis, vont tour à tour s'aimer, se déchirer, se réconcilier, s'asséner des vérités assassines, se duper, etc. Pendant une heure et demi, ils vont s'interroger sur pourquoi et comment ils sont devenus amis ainsi que sur les événements qui les ont changés et les ont amenés à ne plus se comprendre.
Cette pièce, aux répliques souvent acerbes et douces-amères, est une plongée dans les eaux agitées et souvent tortueuses de l'amitié. Les trois acteurs subliment avec brio la tension et la gravité de la situation. Les spectateurs pénètrent directement dans cette atmosphère pesante, et se demandent jusqu'à la fin si les trois hommes réussiront à traverser cette douloureuse épreuve.
Malgré un sujet a priori assez grave, l'auteure Yasmina Reza parvient tout au long de la pièce à nous faire sourire, voire rire. Et c'est là la plus belle réussite de la pièce selon moi : nous divertir et nous faire réfléchir en même temps. Il y a du génie dans Art.
Cet article est dédié à Pierre Vaneck, décédé le 31 janvier 2010.
Comédiens : Pierre Arditi (Yvan), Fabrice Luchini (Serge), Pierre Vaneck (Marc)
Réalisation : Patrice Kerbrat
Année : 1994
Paul-Etienne