En Italie il n'y a que des vrais hommes
Cet album, scénarisé par Luca De Santis et dessiné par Sara Colaone, aborde le confinement par Mussolini des homosexuels italiens dans les années 30.
D'une grande exactitude historique, allant même parfois jusqu'à reprendre mot pour mot des extraits de documents ou d'interview d'homosexuels italiens victimes de ce confinement, ce "roman graphique" raconte comment, sous le régime fasciste de l'Italie des années 30, les homosexuels -ou présumés homosexuels, la police politique ne s'embarrassant pas de savoir si les dénonciations étaient fondées- étaient raflés, arrêtés, interrogés (parfois brusquement), puis envoyés sur l'île de San Domino delle Tremini pour y être confinés, et non emprisonnés: la distinction est importante, car il n'existait pas de loi condamnant l'homosexualité, Mussolini ayant rétorqué à l'éventualité de légiférer que c'était inutile, puisque "tous les hommes italiens étaient mâles, actifs et virils"...
De Santis et Colaone abordent dans cet album un point de l'histoire fasciste méconnu et sensible encore aujourd'hui en Italie, et le font avec pudeur: le dessin est simple, presque brut, la couleur quasiment absente, les dialogues justes, sans pathos ni voyeurisme, ce qui rend palpable la douleur de ces hommes séparés de leur famille pour un crime qui n'en est pas un. Il y a pourtant de l'humour, car malgré tout, les homosexuels pouvaient s'afficher sur cette île sans craindre les représailles, se déguiser en femme et organiser des festivités lorsqu'un "nouveau" arrive...
En Italie, il n'y a que des vrais hommes est à recommander à tous les curieux qui aiment s'aventurer hors des sentiers battus de la bande dessinée, et à ceux qui, comme moi, aiment découvrir des pans oubliés mais édifiants de l'Histoire.
En Italie, il n'y a que des vrais hommes, Dargaud, 15.50 euros.
Aymellyne