Fabrice Colin - Big Fan
Sous une couverture affreuse ayant pour seul avantage de bien se détacher sur les rayons de librairie se trouve le dernier roman d'un (plus tout à fait) jeune auteur français méconnu: Fabrice Colin.
Méconnu ? pas de tous. Fabrice Colin commence il y a dix ans lorsque son ami Stéphane Marsan le convainc d'écrire quelques titres pour sa toute jeune maison d'édition :Mnémos. Pendant un certain temps, Colin officie dans les genres de l'imaginaire, mais déjà sa production se distingue. Romans foutraques empruntant à la fantasy, à la sf et au fantastique sans pourtant vraiment y être rattachés, l'auteur invoque volontiers les auteurs du XIXe siècle - Lewis Caroll, James Mattew Barrie – ou encore Shakespeare. L'homme voit plus les « genres » une occasion de faire montre d'une imagination fantasque, volontiers malsaine. Peu à peu, il se dégage des étiquettes et sa production se divise en deux activités séparées : la littérature pour enfants (production pour lequel il est très connu et lui permettant de rejoindre le sérail restreint des auteurs vivant exclusivement de l'écriture), et des romans pour adultes plus rares, développant des thèmes de plus en plus mainstream, mais avec un angle d'approche très imaginatif. On compte dans cette catégorie trois romans excellents parus aux éditions de l'Atalante - Sayonara Baby (sur les difficultés d'intégration d'un japonais à San Francisco), Kathleen (un trip mystique sur les écrits de Katerine Mansfield) et Or not to be (un conte shakespearien), et un roman au Diable Vauvert : La Mémoire du Vautour, espèce d'histoire composite racontant les derniers moments d'un accidenté de la route. Big Fan marque le retour de Fabrice Colin au roman adulte après trois ans d'absence.
L'histoire : Bill Madlock est LE fan ultime du groupe Radiohead. En découvrant l'album Kid A, il a compris que Thom Yorke, le chanteur, essayait de prévenir l'humanité que la fin du monde était proche. Suivant le groupe dans tous ses déplacements, il finit par tirer sur un spectateur durant un concert et se retrouve en prison. Le roman voit trois lignes narratives se chevaucher : tout d'abord les lettres que Bill échange depuis sa prison avec un journaliste qui rédige une biographie de Radiohead, ensuite l'histoire pathétique de Bill depuis sa naissance, et enfin la biographie de Radiohead rédigée par le journaliste et annotée par Bill. Bref, encore une fois, un roman difficile à présenter tant la structure spécifique le rend indescriptible.
Je reste assez mitigé vis-à-vis de ce roman qui sait aligner les poids des deux cotés de la balance : l'histoire de Bill est très amusante et met en valeur cette exagération qui saisit parfois les fans les plus « durs », tendance très encrée dans les pratiques actuelles, le plus souvent risible. Pour autant, le personnage de Bill reste très attachant, proposant une sorte d'alternative anglaise édulcorée au Isidore Reilly de John Kennedy Toole (La conjuration des imbéciles), un looser splendide qui tour à tour se vante démesurément avant de connaitre de terribles crises d'abattement. Le tout est appuyé par une écriture dynamique, stylée d'un auteur qui vient, avec cet ouvrage de trouver son ton : impertinent, ironique (cynique même par moments), mordant, dynamique… un style « pop music ». C'est à mon sens la grande réussite de l'ouvrage. L'ouvrage souffre toutefois d'un défaut majeur : l'intrigue est un peu vaine. En refermant l'ouvrage, je me suis dit : « Ouais, j'ai passé un bon moment, c'était bien… est-ce que ça valait vraiment la peine ? ». Bref, une lecture mitigée. D'autre part, je n'ai pas aimé la maquette : police petite, mise en page pas très confortable, les parti pris de l'éditeur me laisent assez sceptiques : la typo originale, c'est bien, mais pas au prix de la qualité de lecture, merci !
Le livre, publié aux éditions Inculte a reçu un accueil très favorable. Les critiques sont plutôt enthousiastes et Big Fan a même valu à son auteur l'organisation d'une soirée spéciale autour de son roman à la librairie Atout Livre (Daumesnil, pour les parisiens…), à laquelle votre serviteur s'est rendu. C'était plein à craquer… et l'espace de la librairie est grand. C'était bien la première fois que voyais autant de monde à une rencontre avec un auteur… pas si connu que ça. Bref, ce dernier speech pour vous inciter un peu à lire le bouquin et à me dire ce que vous en pensez.
Ah, petite précision pour les non mélomanes : pas besoin d'aimer ou de connaitre Radiohead pour lire Big Fan. Si vous avez écouté Creep et un bout de Kid A ou Ok Computer, vous retrouverez des choses, mais ce sera juste un plus.
Fabrice COLIN - Big Fan
Editions Inculte
218 pages – 18€
ISBN : 978-2916940243
Julien