Trois femmes puissantes - Marie N'Diaye
Les trois histoires présentées ici ont en commun la force de caractère des trois protagonistes, leur volonté de s’en sortir face à l’adversité : le père pour la première, la vie ayant pris un mauvais tournant pour le second (je dis « le » car le protagoniste est un homme, mais sa femme est omniprésente dans le récit), le deuil et sa surmontée pour la dernière.
Chacun se retrouve au seuil d’une nouvelle existence, à la croisée des chemins. Leurs réflexions sur le cours de leur vie, et sur leur avenir rejaillissent à chaque page.
La première est une femme d’une quarantaine d’année, Norah, qui a réussi sa vie en France, en surmontant les difficultés. Fille d’immigrés, elle a vécu avec sa mère et sa sœur, pendant que son père, Africain, retournait dans son pays en kidnappant son frère. La figure de ce père cruel et avide de réussite sociale, fier et ombrageux, est la principale de l’histoire. Le fils, bénéficiant de la réussite et du soutien financier de son père, considérablement enrichi après l’ouverture d’un centre de vacance, n’a pas la même réussite. Devenue avocate, Norah est appelée au chevet de son père. Plus que réticente, elle se décide finalement à partir voir ce père qu’elle a toujours craint et détesté. Elle nous fait revivre le désarroi de son enfance, et les tracas de sa vie actuelle. Petit à petit, on comprend mieux ses réticences face à un passé douloureux, et le drame qui survient va tout changer.
Dans le second récit, Rudy, âgé d’une trentaine d’année, tente de survivre à ses drames passés, également entre France et Afrique. Ses parents s’étaient installés en Afrique durant son enfance, mais son père, après avoir tué son associé véreux, se suicide en prison, et il rentre en Gironde, sa terre natale, avec sa mère. Retourné en Afrique, il décide finalement de devenir professeur en Afrique. Il y rencontre sa femme, Fanta, mais après un drame personnel, il est obligé de rentrer précipitamment en France. Peu à l’aise dans son emploi de commercial en cuisine, il essaie de survivre au désastre moral et à la crise de son couple.
Enfin, la troisième histoire n’est pas très originale, mais n’en est pas moins poignante. On y voit une jeune femme, Khady Demba, qui tente de surmonter son veuvage. Sans autre famille, elle est obligée de loger chez sa belle-famille. Perpétuellement dans un état second, elle devient un poids pour celle-ci. Elle est finalement mise à la porte, et on l’oblige à émigrer vers l’Europe. Elle prend cette mésaventure comme une renaissance.
Ces histoires n’ayant rien de très original en soi, c’est le style qui prime. Je l’ai trouvé ici fin et léché, faisant rejaillir avec force les situations décrites, et les multiples pensées jaillissant de la tête des personnages. Car il s’agit surtout de larges introspections, de « nouvelles cérébrales », si l’on peut dire. Les histoires ne sont pas pour autant dénuées de suspens. On y voit les turpitudes de la vie s’enchaîner, jusqu’au point de non-retour. Chacun, à force de réflexion et d’introspection, est forcé de faire un choix qui infléchira sa vie de façon irrévocable. On revient sur les erreurs passées, les espoirs futurs, pour en tirer la meilleure solution pour le présent.
J’ai assez aimé ce livre, surtout pour son écriture, comme je l’ai dit plus tôt. Les histoires ne sont pas extraordinaires, mais n’en manquent pas moins d’intérêt. Ce ne sont pas des histoires philosophiques, mais chacun peut y faire un certain rapprochement avec sa propre existence, et essayer de chasser, comme Rudy, l’oiseau de mauvais augure qui empoisonne sa vie.
Marie N’Diaye, Trois femmes puissantes, Paris, Gallimard, 2009, 19 €.
Prix Goncourt 2009.
ISBN : 978-2-07-078654-1
Florian