Olivier Boura - Jésus-Christ Matador
« Il n'est pas nécessaire d'être un amateur de pêche à la baleine pour penser que Moby Dick est un chef d'œuvre de la littérature ». C'est sur ce constat que débute le quatrième de couverture invitant le lecteur à s'intéresser à ce recueil de nouvelles centrées sur la corrida.
Je ne saurais dire ce qui m'a poussé à ouvrir cet ouvrage. Paru depuis quelques mois alors que ma liste des titres à lire avant sortie s'allonge, traitant d'un sujet que j'exècre au plus haut point, dans des accents hispanisants qui me laissent habituellement de marbre. La seule raison valable doit être l'assez belle couverture et le fait que l'ouvrage est un recueil de nouvelles, chose assez rare chez mon éditeur tutélaire… L'auteur ne m'était connu que par quelques pages truculentes sur le pastis dans un livre que je n'ai pas eu le temps de lire avant de l'offrir (à l'une d'entre vous en plus, d'ailleurs, elle en fera bien un compte rendu, n'est-ce-pas ?). Cette petite démonstration pour expliquer qu'il y a parfois de drôles de coïncidences, ou de grandes forces en jeu dans la littérature, car Jésus-Christ Matador est certainement ma meilleure lecture de ces six derniers mois.
Durant les dix nouvelles qui composent ce recueil, Olivier Boura développe un univers mythique (mystique presque) autour de la corrida. Loin de s'arrêter aux arènes et à la tuerie, c'est dans le domaine de la métaphore que l'auteur remporte le plus franc succès. Ainsi, la première nouvelle met en scène un Christ chassé comme un taureau, acculé puis tué d'un coup net dans la poussière du mont des Oliviers. Autour de la dépouille de « l'animal sacré », les apôtres discutent, examinent, comparent le sacrifice dans la langue des peones à la sortie de l'arène. La seconde nouvelle rapporte une mise à mort vécue par plusieurs spectateurs, puis l'auteur nous mène tour à tour sur les pas d'un boxeur devenu Torero parce qu'il avait « un sacré punch », un jeune prodige à la recherche de l'amour de son père, une espagnolade à la Mérimée, un conte philosophique à la mode dix-neuviémiste ou encore une mystérieuse bande d'enfants sauvages vénérant un taureau sur une ile perdue.
Autant de prétextes à l'auteur pour dresser de saisissants portraits d'hommes face à la bête et vice-versa. Boura prend la Corrida et la décrit comme l'un de ces bijoux baroques aux formes torturées, à la laideur volontairement exagérée, mais dont l'observation captive . C'est l'istant où les valeurs s'inversent, où le laid touche au sublime. Et ça marche ! Appuyé par une langue extrêmement riche, ses nouvelles très bien construites ne permettent pas au lecteur de lâcher prise : « La Faena est comme la messe : impossible de l'arrêter une fois commencée ». Malgré tous mes a-priori, un constat s'impose : c'est beau, c'est magique, en un mot, c'est fascinant. Dix nouvelles ciselées dans une langue magnifique, troublante, sensuelle même dans sa description de la tension qui monte, dans la décharge qui précède l'instant subit de la mise à mort.
Cet ouvrage, sorti en septembre ne semble pas trouver son public, en partie en raison de son thème. C'est dommage, surtout lorsque le ratage concerne une tentative littéraire du plus haut intérêt. Je terminerai ma plaidoirie en vous encourageant vivement , surtout vous amis libraires, à jeter un œil sur ce livre. Dépassez la répulsion, il y a, derrière l'apparence de sujet morbide, une vraie perle d'émotion, un vrai diamant de littérature.
Olivier BOURA - Jésus-Christ Matador et autres nouvelles
Editions ARLEA
216 pages, 18€
ISBN : 978-2-86959-866-9
Julien