Un fragment d'asphalte
Voilà un petit texte extrait d'un projet plus important sur lequel je bosse depuis quelques mois. Tous les commentaires sont les bienvenus, ici ou par mail!
J'ai trouvé une chambre toute petite, un endroit exigu où je ne peux pas écarter les bras. J'y ai emménagé très vite. Quelques livres, trois habits. Rester dans la nécessité. Je m'oblige à vivre dans l'attente : une boule au creux de l'estomac, je fais les cent pas : quatre jusqu'à la fenêtre, puis retour. Je bois beaucoup de thé, et j'écris frénétiquement, en appuyant très fort avec mon stylo, en faisant plein de gestes brusques. J'ai repris la cigarette. Elle m'était nécessaire pour ressentir toute l'urgence de l'époque. J'écoute des musiques bruitistes, fortes, sans harmonie, des sons métalliques et répétitifs ; des formules abstraites. J'enchaine les mouvements de plus en plus vite. Je me gratte la tête, me relève de ma chaise, fais trois pas, me rassois, frappe le clavier de l'ordinateur, trois lettres, un tic nerveux, je me relève, vais me servir du thé, allume un mégot, regarde, à droite, frappe trois lettres, à gauche, je me lève… non, je me rassois, gratter le nez, ça gratte un peu partout, puis regarder de vieilles photos très vite, s'étirer, se gratter, encore, décidément, puis boire une gorgée de thé bouillant et dégueulasse – il a déjà été réchauffé trois fois – encore… qu'est ce que je faisais déjà ? ah oui, un texte qui tourne au pastiche, un défouloir en attendant l'éruption, la vraie. Se transformer doucement pour que la délivrance arrive plus vite, pour que l'écriture de ce qui m'habite devienne une nécessité, et encore me gratter un peu, fumer, renverser de la cendre partout sur le clavier, se lever, tirer les rideaux, faire craquer mes doigts, frapper frénétiquement, sans que ça s'arrête, continuer, continuer et surtout ne pas penser, que ça sorte tout seul, que ça sorte en plaques et en mots, on organisera tout ça après, mais faut que ça sorte. Ca vient, ca vient trop difficilement, comme l'est l'orgasme pour le peine à jouir. Ce doit être ça que je suis, un putain de peine à jouir de l'écriture, un foutu impuissant qui se triture dans tous les sens, le genre de mec qui voudrait bien en mettre partout mais qui n'arrive pas à sortir une goutte. C'est pour ça que je tape vite et que je fais des grands gestes, que je trace les mots à grands traits en mettant de l'encre partout – sur le papier et sur mes mains –. C'est pour ça que je me couche et que je ne dors pas, que je reste à fixer le plafond. Et alors, j'écarte les bras (presque), et j'essaie de sentir la pulsation, j'essaie de me dire que ce n'est pas seulement dans ma tête, qu'il y a bien quelque chose qui bat tout autour, qui se déplace et qui bourdonne dans l'air environnant, que ça vaut la peine de s'infliger toutes ces tortures, même si ces tortures, je les subis aussi par plaisir. Quand on peine à jouir, on prend le plaisir sous quelque forme qu'il se présente.
Julien